Intervention de François DIJOUX. 20/09/2010

INTERVENTION DE F. DIJOUX A AUBY LE 20 SEPTEMBRE 2010

Permettez-moi d’abord, Monsieur le Maire, Mesdames et Messieurs, de vous remercier pour votre accueil chaleureux. On pourrait se demander à bon droit ce qui a pu motiver la présence de mon épouse et de moi-même ce jour parmi vous.

C’est d’abord l’amitié qui nous a conduits à Auby pour évoquer devant vous la mémoire et l’œuvre d’un enfant de votre commune, le grand peintre Raymond Normand. C’est ensuite le désir de partager avec vous la grande richesse de son œuvre car toute création artistique aspire au partage qui aboutit à la reconnaissance. Nous avons connu Raymond Normand, ma femme et moi, pendant près de cinquante ans, depuis son installation en 1950 dans notre village de Ventabren, près d’Aix-en-Provence, jusqu’à sa disparition en mars 2000.

Né à Auby le 14 novembre 1919, au 12 rue de la Pannerie, actuelle rue Etienne Dolet, il a passé une partie de son enfance à Flers-en-Escrebieux avant de revenir à Auby vers 1930. Son père Just Normand, d’abord mineur puis combattant de la Grande Guerre, où il avait été trépané en raison d’une blessure à la tête, exerçait le métier d’électricien. Sa mère, Maria Duhem, était femme au foyer et Raymond avait une sœur, Jeanne, de cinq ans son aînée. Les recherches généalogiques de mon épouse établissent que les Normand demeurent à Dechy et les Duhem à Leforest au moins depuis 1700 environ. Leur arbre généalogique sera prochainement mis en ligne sur le site Geneanet et consultable à partir d’un lien installé sur le site de notre Association.

Les circonstances du départ de Raymond Normand pour le Sud de la France sont dramatiques. Nous sommes en 1937. Il a manifesté très tôt une passion dévorante pour le dessin et la peinture et, à l’école des Beaux-Arts de Douai, il  a été très vite remarqué pour ses dons artistiques couronnés de nombreux prix. Mais soudain sa vie « a été coupée en deux », comme il avait coutume de le dire. Terrassé dans sa quinzième année par une ostéomyélite invalidante (grave maladie de la moelle osseuse incurable à l’époque), il a été cloué au lit pendant deux ans et contraint d’interrompre ses études au Lycée et aux Beaux-Arts de Douai. C’est donc un jeune alors âgé de 18 ans et déjà vaincu par la vie, profondément meurtri dans sa chair et dans son esprit, qui quitte Auby pour aller s’établir dans le Midi avec ses parents.

La famille s’installe à Marseille en 1937 et, jusqu’en 1941, Raymond suit les cours de sculpture et de dessin à l’Ecole des Beaux-Arts de cette ville, avec notamment César comme condisciple. Les deux artistes resteront en relation en dépit de la célébrité du sculpteur et de l’évolution différente de leur art. Après guerre, il travaille chez des paysans et garde des troupeaux de chèvres près de Salon. C’est à cette époque qu’il découvre, comme avant lui Vincent Van Gogh dans la campagne arlésienne, la splendeur de la nature provençale. Dès lors, sur la trace des Impressionnistes, il n’aura de cesse de fixer sur sa toile les vibrations de cette lumière et de ces couleurs qui éblouissent l’homme du Nord qu’il est resté. Il pourra ainsi accomplir son destin, à Ventabren où il se consacrera exclusivement à sa passion pendant cinquante ans.

Et c’est triomphalement qu’il revient aujourd’hui au pays natal, au milieu des honneurs qui sont dus à son immense talent. Nous vous avons apporté un échantillon fort incomplet d’une œuvre foisonnante qui porte la marque d’un maître. Ses huiles, ses pastels, ses encres de Chine, ses lavis, ses fusains nous offrent, au rythme des saisons et aux diverses heures du jour, les frémissements de la lumière et de la vie à travers des paysages de Ventabren et de ses environs émaillés d’oliviers et d’amandiers séculaires aux troncs noueux, de pins tourmentés par le mistral, à travers les bords de la rivière l’Arc proche de sa demeure… Ses portraits, les peintures de ses chèvres et de ses chats, ses caricatures sont également remarquables ainsi que ses grandes compositions bucoliques.

Outre le peintre, l’homme aussi séduisait. Il était non seulement très cultivé mais également fort modeste et extrêmement chaleureux. De cela encore nous tenions à porter témoignage  devant vous, avant de vous inviter à prendre la dimension de l’artiste en consultant, si ce n’est déjà fait, le site internet dont mon épouse est la conceptrice et qui présente à ce jour 512 photos d’œuvres de collections privées ainsi qu’un grand nombre de documents divers (lettres, articles de presse et textes littéraires, photos de lui, de ses parents, de ses amis, photos de sa propriété, de l’exposition d’avril 2010). Vous pourrez ainsi passer, je pense, d’agréables moments en Provence, en compagnie de notre ami Raymond.